Cette rubrique est composée de deux parties : une note rédigée par Enerdata et le Trilemme de l’énergie de l'Allemagne, issu des travaux du Conseil Mondial de l’Énergie.
Politiques énergétiques
En novembre 2023, le gouvernement allemand a mis à jour son Plan national pour l’énergie et le climat (NECP), avec des objectifs et des mesures sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2030. Les principales cibles et politiques pour 2030 incluent une part de 80 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité, la neutralité climatique de 50 % de la chaleur produite dans le secteur du bâtiment, la promotion du rail, des véhicules électriques et des infrastructures de recharge dans le secteur des transports, et l’ajustement des taxes sur les carburants en fonction de leur impact sur le climat.
Pour faire face à l’invasion russe de l’Ukraine et à la crise énergétique qui en a résulté, le gouvernement a adopté plusieurs mesures pour gérer la hausse des prix de l’énergie et réduire la dépendance du pays à l’égard des importations russes de combustibles fossiles, comme l’accélération des procédures d’approbation pour l’achat de gaz naturel liquéfié (GNL), la promotion des énergies renouvelables, du biogaz et de l’hydrogène, et l’amélioration des économies d’énergie.
En 2021, l’Allemagne a mis à jour ses objectifs climatiques dans le cadre de la loi fédérale sur le changement climatique, avec un objectif révisé de réduction des émissions de GES de 65 % d'ici à 2030 par rapport à 1990 et de 88 % d'ici à 2040. La loi prescrit des budgets annuels d’émissions, c’est-à-dire la quantité de GES que chaque secteur (énergie, industrie, transports, bâtiments, agriculture, déchets et autres) peut émettre chaque année sur la période 2020-2030. Elle avance également l’objectif de neutralité en matière de GES d’ici à 2045 et introduit une taxe nationale sur le carbone, fixée à 25 €/tCO2 à partir de 2021. Si les budgets annuels d’émissions ne sont pas respectés ou dépassés, la différence sera ajoutée ou soustraite en parts égales aux années restantes jusqu’en 2030.
Situation énergétique
En 2023, la consommation totale d’énergie a diminué de 9 %, atteignant 246 Mtep, son niveau le plus bas depuis la réunification. Auparavant, elle avait diminué de 1,1 % par an sur la période 2016-2019. Le pétrole représente plus d’un tiers de la consommation totale en 2023, suivi du gaz (26 %), du charbon et du lignite (17 %, - 3 points, vs - 10 points sur 2015-2020), de la biomasse (13 %), et de l’électricité primaire (9 %).
La consommation d’énergie finale est restée relativement stable entre 2010 et 2019. En 2023, elle a baissé à nouveau de 5 % pour atteindre 216 Mtep, après un rebond de près de 3 % en 2021 et une réduction de 3,5 % en 2020. Le secteur résidentiel, des services et de l’agriculture est le plus gros consommateur d’énergie (39 % en 2023), suivi de l’industrie (27 %) et des transports (26 %).
Figure 1. Évolution allemande de la consommation d’énergie primaire
Source : Enerdata, Global Energy & CO2 Data
Le pays dispose d’une capacité de 246 GW (fin 2023). Depuis 2022, la capacité solaire dépasse l’éolien avec 82 GW (+ 21 % par rapport à 2022) contre 66 GW pour l’éolien (stable). Le reste de la capacité se compose de 37 GW de charbon et de lignite, 34 GW de gaz, 12 GW de biomasse, 11 GW d’hydroélectricité et 4 GW de pétrole (fin 2023). Le nucléaire a été complètement abandonné avec la fermeture des 3 dernières unités en avril 2023 (4,1 GW, dont 1,3 GW pour Emsland de RWE, 1,4 GW pour Isar-2 de Preussen Elektra et 1,3 GW pour Neckarwestheim-2 d’EnBW).
La production d’électricité a chuté de 10 % en 2023 pour atteindre 513 TWh, un niveau historiquement bas depuis 30 ans, après une baisse de 2 % en 2022. Le fort recul en 2023 est dû au ralentissement économique dans les industries à forte intensité énergétique et à l’augmentation des importations d’électricité. Le bouquet électrique repose de plus en plus sur les énergies renouvelables, avec une progression de 10 points entre 2022 et 2023 pour atteindre 55 %, dont 28 % d’éolien, 12 % de solaire, 10 % de biomasse et 5 % d’hydraulique (+ 21,5 points pour l’éolien et + 10 points pour le solaire depuis 2010).
Figure 2. Capacité installée en 2023 en Allemagne
Source : Enerdata, Global Energy & CO2 Data
Perspectives énergétiques
Pour faire face à la croissance attendue de la demande d’électricité, le pays vise à accélérer le développement des énergies renouvelables. Selon les projections de la BNetzA publiées en mai 2022, la consommation d’électricité devrait doubler entre 2020-2021 et 2037 (3,5 à + 4,6 % par an selon le scénario), pour atteindre 982 TWh en 2037, et 999 TWh à 1 222 TWh d'ici à 2045. La capacité totale de production d’électricité devrait passer à 627 GW en 2037 (+ 6,4 % par an), avec jusqu’à 576 GW d’énergies renouvelables (+ 9,3 % par an). En 2045, cette capacité devrait atteindre 750 GW (+ 5 %/an), dont 703 GW d’énergies renouvelables (multipliées par 5 environ, c’est-à-dire plus de 90 % de la capacité totale), dont 400 à 445 GW d’énergie solaire, 160 à 180 GW d’énergie éolienne terrestre et 180 GW d’énergie éolienne en mer. Le conflit avec la Russie a renforcé cette tendance, avec de nouveaux objectifs en matière d’énergies renouvelables fixés en 2022. Le pays vise désormais une capacité solaire de 215 GW d'ici à 2030 et 325 GW d'ici à 2035, avec 22 GW d’ajouts annuels à partir de 2026 ; 115 GW d’éolien terrestre sont visés en 2030 (+ 10 GW/an entre 2025 et 2030 et 160 GW d'ici à 2035) et 30 GW d’éolien en mer d'ici à 2030 (avec 5-7 GW/an jusqu’en 2026).
En 2021, le Bundesrat a approuvé la loi sur le plan d’exigences fédéral, qui accélère 35 projets d’expansion du réseau électrique. En mars 2024, le pays a publié son plan de développement du réseau électrique 2023-2037/2045, qui vise à étendre environ 4 800 km de nouvelles lignes et à renforcer 2 500 km de lignes existantes pour connecter tous les projets renouvelables afin de parvenir à un système électrique climatiquement neutre d'ici à 2045. D'ici à 2045, les plans prévoient de raccorder au continent jusqu’à 70 GW de parcs éoliens en mer, jusqu’à 180 GW d’énergie éolienne à terre et jusqu’à 445 GW d’énergie solaire. Cela nécessiterait 128 milliards d’euros d’investissements supplémentaires d'ici à 2037 par rapport au plan précédent.
En mars 2024, l’association des réseaux de transport de gaz allemands (FNB) a publié son plan de développement du réseau de gaz pour la période 2022-2032. Ce plan prévoit un investissement de 4,4 milliards d’euros dans 951 km supplémentaires de réseaux de transport de gaz, dont 1,9 milliard d’euros pour l’extension du réseau pour les installations de GNL.