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Lutte contre la précarité énergétique

Evaluer et suivre les politiques et mesures de lutte contre la précarité énergétique

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La précarité énergétique est souvent définie comme la difficulté d’un ménage à satisfaire ses besoins élémentaires énergétiques pour son logement ou son transport en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat. Une autre définition largement répandue considère qu’un ménage est en situation de précarité énergétique lorsqu'il dépense plus de 10% de son revenu en énergie.

Mais il n'y a pas définition unique et explicite du phénomène car il est complexe et ses causes et ses effets varient (sensations de température, comportement de restriction...).

Pourtant, la précarité énergétique est un problème majeur aussi bien dans les pays émergents que dans les pays développés. En Europe, environ 20% des ménages (soit ~50 millions) étaient en situation de précarité énergétique en 2018. Face à ce constat, on assiste à une multiplication des politiques et des mesures pour répondre à cette préoccupation grandissante.

Cet article a été préparé par Bruno Lapillonne, Alexandre Katsenis et Marie Rousselot à partir d'une présentation avec la Conuee, l’AFD et l’ADEME.

Politiques et mesures existantes (P&M)

Pour lutter contre la précarité énergétique, l'approche la plus courante consiste à réduire les coûts de l'énergie pour les ménages touchés grâce à des tarifs sociaux, des subventions, ou la diffusion de compteurs prépayés.

Une approche plus récente, en particulier en Europe, consiste à se concentrer sur des mesures visant à améliorer l'efficacité énergétique de ces ménages afin de réduire leurs dépenses énergétiques. Cette solution semble plus pérenne à long terme que l'approche précédente.

Les P&M dans les pays développés, l'exemple des pays européens.

En Europe, les politiques d'efficacité énergétique et les mesures de lutte contre la précarité énergétique se concentrent principalement sur le chauffage des locaux qui est le premier poste de consommation énergétique dans les bâtiments, et parfois aussi sur les transports.

La précarité énergétique est de plus en plus prise au sérieux dans les pays de l'UE, ce qui se traduit par une multiplication des mesures politiques sur le sujet : environ 200 mesures sont actuellement mises en œuvre (7 par pays en moyenne, plus de 30 au Royaume-Uni, en France ou en Belgique).

Figure 1: Nombre de P&M luttant contre la précarité énergétique dans les pays de l'UE

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Source: Enerdata (basé sur EPOV, l'Observatoire européen de la précarité énergétique).

 

Il existe différents types de politiques et de mesures mises en œuvre pour traiter l'ensemble des causes du phénomène. En Europe, les plus répandus sont :

  • Des mesures informatives pour éduquer sur les usages de l'énergie par le biais de plates-formes d'information sur l'énergie ou d'un accompagnement en matière d'économie d'énergie.
  • Des incitations financières pour améliorer l'efficacité énergétique comme par exemple des chèques énergétiques ou des subventions pour le remplacement des vieux véhicules (mises en œuvre en France par exemple).
  • Des mesures réglementaires telles que la mise en place d'une norme énergétique minimale pour les logements (règlementation thermique) ou les appareils électroménagers, ou des mesures telles que le Carbon Saving Obligation, un programme d'efficacité énergétique mis en œuvre en Grande-Bretagne afin de réduire les émissions de carbone et de lutter contre la précarité énergétique par la rénovation des logements, notamment l'isolation du toit et des murs et le raccordement aux systèmes de chauffage urbain.

 

P&Ms dans les pays en développement et émergents

Dans les pays en voie de développement et émergents, où les conditions climatiques sont généralement plus chaudes, les programmes d'efficacité énergétique se concentrent davantage sur les besoins énergétiques de base, c'est-à-dire la cuisine, l'éclairage et éventuellement le confort domestique (maisons plus fraîches).

Outre des mesures réglementaires moins répandues qu'en Europe, les mêmes types de mesures sont mises en œuvre mais adaptées aux différents contextes économiques, comportementaux et climatiques locaux. Par exemple, des incitations financières telles que des subventions à la consommation ou des micro-crédits pour passer de la biomasse aux combustibles modernes (GPL, gaz naturel ou même électricité) pour cuisiner ou acheter des cuisinières à biomasse ou des lampes plus efficaces, sont déjà mises en œuvre dans de nombreux pays émergents comme le Kenya, le Cambodge, l'Equateur ou l'Inde.

 

Suivi des politiques et mesures contre la précarité énergétique

Observatoires

La multiplication des P&Ms révèle que même si elles sont largement répandues, elles sont encore en phase d'essai. Il est nécessaire de mieux évaluer et comprendre les interactions de ces politiques entre elles.

En effet, les P&M sur la précarité énergétique devraient être mieux évaluées mais font face à un manque de données de bonne qualité. Il est important de disposer de statistiques solides pour bien comprendre la précarité énergétique. La lutte contre ce phénomène est une préoccupation croissante des pouvoirs publics en Europe, pour preuve, l'Observatoire européen de la précarité énergétique (EPOV1) a été lancé en 2018 par la Commission européenne pour lutter contre la précarité énergétique dans les pays européens. En outre, des "observatoires de la précarité énergétique" ont été créés ou sont en cours de création dans sept pays de l'UE.

Indicateurs existants

Afin de suivre l'évolution de la précarité énergétique et évaluer l'efficacité des P&M, plusieurs indicateurs typiques sont utilisés par les observatoires européens :

  • Le pourcentage des ménages ayant une part élevée de dépenses énergétiques dans leur revenu ("élevée" correspondant au double de la médiane nationale).
  • Le pourcentage des ménages ayant des impayés de factures énergétiques.
  • Précarité énergétique cachée : la proportion de la population dont les dépenses énergétiques absolues sont anormalement faibles.
  • Confort de chauffage/climatisation : la part de la population ayant chaud ou froid en été et en hiver.
  • Présence de fuites, d'humidité, de moisissure : la proportion de la population ayant des fuites, de l'humidité ou de la moisissure dans son logement.
  • Comportement restrictif : différence entre les dépenses réelles et théoriques.
  • Écart de précarité énergétique : les dépenses énergétiques additionnelles que les ménages en précarité énergétiques devraient consentir pour atteindre des conditions de confort thermique satisfaisantes, comme mesure de la gravité de la précarité énergétique.

 

L'intérêt de bases de données détaillées sur l'énergie pour analyser les interactions entre l’efficacité énergétique et la précarité énergétique : travaux en cours dans le cadre du projet Odyssee-Mure

Comme indiqué précédemment, l'amélioration de l'efficacité énergétique est un levier durable pour réduire la précarité énergétique, et des statistiques robustes sont nécessaires pour le suivi du phénomène. Plusieurs développements sont prévus ou envisagés dans le projet Odyssee-Mure2 afin d’améliorer le suivi de la précarité énergétique :

  • La base de données Odyssée comprendra bientôt de nouvelles données permettant de construire des indicateurs pour suivre l'évolution de la précarité énergétique, comme la consommation énergétique des ménages touchés par la précarité énergétique et son poids dans la consommation nationale de chaque pays européen.
  • Une analyse supplémentaire sur l'impact de la précarité énergétique sur les ménages à faible revenu pourrait être menée.
  • Des statistiques et des comparaisons sur le lien entre la répartition des revenus et la précarité énergétique par pays pourraient être ajoutées à la base de données.

Conclusion

  • De nombreux pays mettent actuellement en œuvre des programmes et des mesures visant à améliorer l'efficacité énergétique des ménages en situation de précarité énergétique et devant être adaptés aux caractéristiques de ces pays.
  • Les Observatoires de la Précarité Energétique visent à recueillir des informations sur ces mesures et leurs impacts, ainsi qu'à suivre leurs effets sur les ménages à faibles revenus. Le projet Odyssee-Mure mettra désormais davantage l'accent sur l'évaluation des bénéfices des mesures d'efficacité énergétique pour les ménages à faible revenu.
  • Un nouveau défi apparaît aujourd'hui : la plupart des pays s'engagent dans des stratégies de transition énergétique vers une économie sobre en carbone qui peuvent nuire aux ménages pauvres en énergie (notamment dans le cas d'une taxe CO2) : cela signifie qu'avant de mettre en œuvre toute nouvelle mesure, leur impact sur les ménages pauvres en énergie doit être pris en compte et des mesures d'accompagnement doivent être envisagées.

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