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Nouvelle aube pour la politique énergétique américaine

Les États-Unis sous Biden pourront-ils prendre la tête de la lutte contre le réchauffement climatique ?

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Ce brief préparé par le département recherche d’Enerdata analyse l'évolution de la politique énergétique américaine sous la présidence de Donald Trump et le programme du président Joe Biden pour les quatre prochaines années.

Donald Trump : une contre-révolution énergétique ratée ?

Le Plan Energie "America First"

Dans le cadre du programme électoral de Donald Trump, qui l’a envoyé à la Maison Blanche début 2017, le plan énergie "America First" visait à atteindre l'indépendance énergétique en exploitant les ressources du pays, notamment les combustibles fossiles. Le cœur de la politique énergétique de Donald Trump était d'augmenter la production nationale de combustibles fossiles - pétrole, gaz et charbon - et de réduire les réglementations considérées comme des contraintes à la croissance économique et à la création d'emplois.

Pour atteindre cet objectif, l'administration Trump a mis en œuvre plusieurs plans visant à promouvoir le développement énergétique sur les terres fédérales, notamment le forage pétrolier et gazier dans les parcs nationaux et les zones protégées, et à approuver des investissements clés dans les infrastructures, comme le pipeline Keystone XL qui a rencontré des obstacles administratifs pendant les mandats du président Obama.

L'une des promesses de campagne de Donald Trump était de relancer l'industrie charbonnière américaine en supprimant les politiques adoptées par l'administration précédente. En 2019, l'Agence de protection de l'environnement (EPA) a remplacé le Plan d'énergie propre d'Obama, qui visait à réduire les émissions de carbone provenant de la production d'électricité, par les Règles pour une énergie propre abordable, qui n'avait pas d'objectif national de réduction des émissions, introduisant à la place des directives pour augmenter l'efficacité des centrales électriques.

En ce qui concerne le climat, le président Trump a annoncé début 2017 que les États-Unis (US) se retireraient de l'accord de Paris dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le retrait des États-Unis a officiellement pris effet le 4 novembre 2020, alors que la contribution américaine au Fonds vert pour le climat était déjà passée de 3 milliards de dollars US engagés par l'administration Obama à 1 milliard de dollars US en 2017 et supprimée depuis 2019. De même, Donald Trump a inversé de nombreuses règles et réglementations environnementales de l'ère Obama, notamment plusieurs politiques de contrôle de la pollution de l'EPA, a réduit les normes d'émissions automobiles pour offrir des voitures moins chères aux consommateurs et a même attaqué le système de plafonnement et d'échange des émissions de carbone de la Californie et du Québec pour en entraver la mise en œuvre.

Le plan de domination énergétique de Trump a stimulé l'approvisionnement énergétique national

Sous la présidence de Trump 2017-2020, les États-Unis sont devenus le plus grand producteur de pétrole au monde, dépassant la production de brut de l'Arabie saoudite et de la Russie à partir de 2017. La production de pétrole (brut et LGN) a augmenté en moyenne de 11 % par an depuis 2016, pour atteindre 746 Mt en 2019, les sources non conventionnelles représentant près de 50 % de la production totale (figure 1).

Figure 1: Production de pétrole brut et de GNL aux États-Unis, en Russie et en Arabie Saoudite depuis 2005

Production de pétrole brut et GNL aux USA

Source: Enerdata, Global Energy & CO2 Data

De même, la production de gaz naturel a augmenté de 5 % par an en moyenne depuis 2017, grâce au gaz de schiste, qui est passé de 60 milliards de m3 en 2007 à 717 milliards de m3 en 2019 (soit environ 75 % de la production totale des États-Unis). Dans le secteur du charbon, la politique de l'administration n'a fait qu'enrayer la baisse de la production de charbon et de lignite observée depuis la fin des années 2000, sous l'effet de la chute de la demande du secteur de l'électricité (85 GW de capacité retirés entre fin 2011 et fin 2020, dont 40 GW retirés depuis fin 2016) (Figure 2). Cette tendance s'est légèrement atténuée au cours des quatre dernières années, mais pas suffisamment pour empêcher plusieurs grandes entreprises de production de charbon de déposer leur bilan, telles que Cloud Peak Energy, Murray Energy et Blackjewel (toutes en 2019).

Pendant ce temps, la capacité éolienne installée a fait un bond avec environ 30 GW installés entre fin 2016 et fin 2020, tandis que le pays a commencé à accorder des licences pour des parcs éoliens offshore. Les installations solaires photovoltaïques ont connu une croissance vigoureuse, avec une augmentation d'environ 10 GW/an depuis 2016 (figure 2). En conséquence, la part de l'éolien et du solaire dans le mix énergétique est passée de 2 % en 2010 à 9 % en 2019 (dont 7 % pour l'éolien). En raison de l'offre importante de gaz de schiste domestique, la part du gaz dans le mix énergétique est passée de 23 % en 2010 à 38 % en 2019, tandis que la part du charbon a presque diminué de moitié, passant de 46 % en 2010 à 24 % en 2019.

Figure 2: Capacités de production d'électricité nouvelles et mises hors service aux États-Unis depuis 2010

Capacités de production d'électricité nouvelles et hors service aux États-Unis

Source: Enerdata, Power Plant Tracker

Pour résumer, la tendance générale vers plus d'énergies propres a vaincu la résistance de l'administration Trump. Ce mouvement de fond a été mené par les États et les autorités locales, qui ont maintenu l'ambition de l'accord de Paris en déployant des politiques conformes, ainsi que par l'implication des services publics, qui ont répondu aux pressions des ONG et des institutions financières pour éliminer progressivement le charbon et établir des plans de neutralité carbone.

Figure 3: Consommation d'énergie primaire par source d'énergie aux États-Unis en Mtep (gauche) et parts (droite)

Consommation d'énergie primaire par source d'énergie aux États-Unis

Source: Enerdata, Global Energy & CO2 Data

 

Joe Biden : un plan ambitieux pour mener la lutte contre le réchauffement climatique

Contrairement à M. Trump, M. Biden a plaidé en faveur du développement des énergies propres aux États-Unis et dans le monde entier pour lutter contre le changement climatique. Le "Plan pour le changement climatique et la justice environnementale" de Biden vise à atteindre une production d'électricité 100 % décarbonée d'ici 2035 et zéro émission nette d'ici 2050 aux États-Unis. Pour y parvenir, le président s'est notamment engagé à ce que le pays établisse une nouvelle relation avec les combustibles fossiles au niveau national, a dévoilé un programme d'investissement de 2 000 milliards de dollars sur quatre ans et a élaboré des politiques climatiques fondées sur la finance et la diplomatie internationales.

Une nouvelle relation avec les combustibles fossiles

Pendant la campagne, Biden a annoncé qu'il "se retirerait de l'industrie pétrolière", ce qui constitue un tournant important dans la politique d'un pays qui a été profondément lié à la production et à la consommation de combustibles fossiles, tant au niveau national qu'international. Pour atteindre cet objectif, Biden s'est engagé à éliminer les subventions fédérales aux combustibles fossiles et à rétablir les impôts sur les sociétés qui ont été excessivement réduits par l'administration Trump.

Le président Biden a déclaré qu'il publierait une série de nouveaux décrets visant à rétablir certaines règles environnementales que l'administration Trump a supprimées. En effet, la nouvelle administration devrait cesser d'accorder de nouvelles explorations de fossiles sur les terres et les eaux fédérales - comme le golfe du Mexique et l'Alaska, ce qui aura un impact sur les futurs développements pétroliers et gaziers. Pour freiner la demande de pétrole, M. Biden a l'intention de renforcer les normes d'économie de carburant pour les nouveaux véhicules, de promouvoir l'adoption de véhicules électriques pour les flottes par les consommateurs américains et de soutenir les progrès des biocarburants avancés.

L'une des principales propositions de Biden est d'établir un "mécanisme d'application" juridiquement contraignant pour réduire les émissions de GES d'ici 2025. Ce mécanisme d'application doit être fondé sur le principe selon lequel les pollueurs doivent supporter l'intégralité du coût de la pollution au carbone qu'ils émettent. Toutefois, le schéma économique qui permettrait de donner un prix au carbone, ainsi que son champ d'application, restent à préciser.

Le plan vert de Biden, 2 000 milliards de dollars

Le deuxième pilier du programme Biden consiste en un plan d'investissement massif pour soutenir le développement des industries peu carbonées, et la recherche et l'innovation en matière de climat aux États-Unis.

Pour y parvenir, le président élu a dévoilé un programme d'investissement de 2 000 milliards de dollars sur quatre ans, destiné à financer des technologies propres, notamment des infrastructures de réseau et d'électricité sans carbone. Le plan soutiendra plusieurs nouvelles technologies telles que le stockage à l'échelle du réseau, l'hydrogène vert, le captage et le stockage du carbone (CSC) ainsi que les petits réacteurs nucléaires modulaires ; l'idée est de réduire les coûts, permettant ainsi des exportations compétitives. Le plan prévoit également d'accélérer le déploiement des véhicules électriques et des stations de recharge nécessaires, ainsi que des normes d'efficacité énergétique plus strictes pour les bâtiments et les appareils.

Dans l'ensemble, le plan est principalement axé sur l'offre, avec des investissements importants visant à soutenir l'industrie américaine et à transformer le bouquet énergétique du pays, mais aussi à accroître ses exportations commerciales. En réduisant considérablement le coût des technologies à faible intensité de carbone fabriquées sur le territoire national, les États-Unis devraient augmenter considérablement les exportations mondiales de ces équipements. Cela accélérerait la transition énergétique dans les pays partenaires et ouvrirait de nouveaux marchés pour les entreprises du secteur de l’énergie propre.

Financement et diplomatie en matière de climat

La nouvelle administration devrait également utiliser la politique étrangère pour promouvoir son programme climatique, en rejoignant l'accord de Paris et en encourageant les institutions financières multilatérales à promouvoir les objectifs climatiques. En effet, l'ambition de M. Biden est de prendre la tête de la lutte contre le changement climatique et de devenir le premier pays dans le secteur de l'énergie propre. Pour y parvenir, il veut réorienter le financement fourni par des institutions financières telles que la Société financière de développement international et l'Export-Import Bank (EXIM) des combustibles fossiles vers les technologies énergétiques propres. Cela permettrait aux acteurs privés des pays en développement de surmonter les obstacles à l'investissement et, à terme, de débloquer les capitaux nécessaires pour réaliser une transition énergétique mondiale. En tirant parti des capacités industrielles et de R&D du pays pour l'exportation, tout en fournissant des financements abordables (prises de participation, prêts et garanties), M. Biden vise également à concurrencer directement la Chine, qui offre également des technologies et des financements dans le cadre de son initiative "Belt & Road".

Premier jalon : la publication d'une CDN ambitieux et crédible

Dans la course pour donner aux États-Unis le rôle principal dans la lutte contre le changement climatique, le président élu a annoncé qu'il ferait revenir les États-Unis dans l'accord de Paris dès le premier jour de sa présidence. Il prévoit également d'annuler le permis du pipeline Keystone XL le même jour. En outre, M. Biden a assuré que les États-Unis financeraient le Fonds vert pour le climat à hauteur de leur engagement. Toutefois, cela ne suffira pas à créer un climat de confiance avec les partenaires, qu'il s'agisse de pays ou d'organisations privées. Sachant cela, Biden a envoyé un signal fort à la communauté internationale en choisissant comme "envoyé pour le climat" John Kerry, l'ancien secrétaire d'État américain, qui a négocié l'accord de Paris et l'accord nucléaire avec l'Iran sous Obama. Toutefois, la première étape sera probablement la contribution nationale déterminée (CDN) que les États-Unis devront envoyer en tant que membre de l'accord de Paris. La CDN proposée à la CCNUCC par l'administration Biden devra faire preuve d'ambition et de crédibilité dans son objectif de faire évoluer le pays vers une économie climatiquement neutre d'ici 2050. Le monde entier examinera en détail le contenu de la prochaine CDN et décidera si les États-Unis peuvent être considérés comme un acteur clé dans la lutte contre le changement climatique.

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