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L’efficacité du transport s’améliore dans les pays émergents

La consommation d'énergie pour les transports découplée de la croissance du PIB

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Le secteur des transports est généralement le secteur qui connaît la plus forte croissance en termes de demande d’énergie dans les pays émergents et les pays nouvellement industrialisés, qui sont au centre de cette analyse1. Ainsi, à mesure que la part des transports dans la consommation finale d’énergie2 augmente, le secteur devient de plus en plus crucial pour comprendre le changement de la demande énergétique dans les pays émergents.

Cet article écrit par Bruno Lapillonne, co-fondateur d’Enerdata et expert au niveau mondial de l’analyse de la demande et de l’évaluation de l’efficacité énergétique, a pour but de nous éclairer sur le sujet.

La consommation d'énergie liée aux transports augmente rapidement dans les pays émergents. Elle a augmenté en moyenne de 7 à 8%/an en Chine et en Inde entre 2000 et 2017. En Turquie, en Malaisie, en Égypte, en Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis, la croissance annuelle se situait entre 4 et 5%. De plus, la consommation d'énergie des transports a un impact encore plus grand sur les émissions de GES, car ce secteur consomme principalement des combustibles fossiles. Dans quatre de ces pays, le secteur des transports est celui qui consomme le plus, représentant plus de 40% de la consommation finale3 d'énergie. La part des combustibles fossiles dans ce secteur donne un poids relatif de ses émissions encore plus important.

 

Indicateurs économiques : intensité des transports dans le PIB

L’intensité des transports, qui relie la consommation d’énergie du transport au PIB, indique comment le niveau de consommation du secteur des transports varie avec le niveau d’activité de l’économie.

Depuis 2000, l'intensité des transports a diminué pour environ la moitié dans les 16 pays analysés dans cet article. En Russie, en Corée et en Chine, la baisse a été de plus de 1% par an. Depuis 2010, les Émirats Arabes Unis et le Mexique suivent la même tendance, comme le montre la figure 1.

Figure 1 : La baisse de l’intensité des transports montre un découplage de la consommation avec l’activité économique

Decrease in Transport Intensity Shows Economic Decoupling

Source: Enerdata - EnerDemand; GDP in purchasing power parities

Cela signifie que la plupart de ces pays ont connu un important découplage de la demande énergétique du secteur des transports et de la croissance économique. La tendance est due à une combinaison de facteurs :

  • Amélioration de l'efficacité des véhicules - en particulier des voitures de tourisme - liée aux mesures politiques mises en œuvre
  • Hausse du prix du carburant dans certains pays
  • Augmentation de la mobilité4 des passagers et du transport des marchandises, inférieure à la croissance du PIB, souvent liée à des contraintes d’infrastructure, comme c’est le cas en Inde et en Chine.

Il existe d’importants écarts entre les niveaux d’intensité du transport des pays : un facteur 3 entre l’Inde et l’Iran par exemple, et un facteur de près de 2,5 entre la Chine et l’Iran. En d’autres termes, l’Iran a besoin de trois fois plus d’énergie pour produire chaque dollar de PIB pour son secteur des transports, par rapport à l’Inde, et 2,5 fois plus que la Chine.

En Chine et en Inde, l'intensité énergétique est faible. Cela est dû aux faibles taux de possession de voitures et à l'importance relative du transport ferroviaire par rapport à tous les autres pays5.

L’intensité énergétique très élevée des transports en Iran s’explique en partie par le faible prix du carburant. À l’inverse, les prix des carburants en Turquie sont parmi les plus élevés au monde et leur intensité énergétique est très faible par rapport aux autres pays de ce groupe.

Le transport routier étant prédominant dans tous ces pays, la présente analyse portera désormais sur les véhicules de tourisme, les bus et les camions6.

Mesurer l'amélioration de l'efficacité du transport routier

Les tendances de la consommation du transport routier dépendent du nombre de véhicules et de la consommation spécifique par véhicule (en tep, ou en tonnes d’équivalent pétrole, par véhicule).

Le premier facteur peut être mesuré par le nombre moyen de véhicules par habitant, la densité de véhicules et la population. Le second est mesuré par la consommation moyenne de transport routier par véhicule (exprimée en tep/véhicule, calculée en divisant la consommation d’énergie du transport routier par le nombre de véhicules).

Comme le montre la figure 2, la Corée du Sud présente la densité de véhicules la plus élevée. La Chine a connu la plus forte augmentation de cet indicateur (14% par an depuis 2000), suivie de l'Indonésie et de l'Inde (environ 7% par an). Pour la plupart des autres pays, la progression est d'environ 3 à 4% par an.

Figure 2 : Augmentation de la densité des véhicules dans tous les pays étudiés

Vehicle Density Increasing in All Countries Studied

Source: Enerdata - EnerDemand

Cependant, l’indicateur de consommation spécifique par véhicule est biaisé par le fait que les véhicules lourds (camions et bus) sont comptabilisés dans les voitures, bien que leur consommation d’énergie soient très différents. Un indicateur plus significatif pour évaluer l'efficacité énergétique du transport routier est la consommation moyenne par équivalent voiture, dans laquelle les différents types de véhicules sont comptabilisés en termes d’équivalent voiture7.

Prix des carburants et consommation par voiture

Comme le montre la figure 3, la consommation unitaire de transport routier par équivalent voiture est en diminution dans presque tous les pays. Cette tendance s’explique principalement par le fait que les véhicules sont de plus en plus efficaces et / ou moins utilisés (en termes de distance parcourue par an) du fait des politiques mises en œuvre (notamment des normes dans certains pays et des ajustements de prix, en particulier au Moyen-Orient).

En Inde et en Indonésie, la consommation équivalente par voiture a sensiblement diminué (en moyenne de 5,5% par an). En Turquie, la baisse est principalement due au prix du carburant parmi les plus élevés du monde.

Figure 3 : Consommation du transport routier par équivalent voiture

Road Transport Consumption per road vehicle

Source: Enerdata - EnerDemand

Il existe de grandes disparités entre les pays, les consommations unitaires par équivalent voiture étant les plus élevées dans les pays producteurs de pétrole du Golfe (Arabie Saoudite et Émirats Arabes Unis8). Ceci reflète une plus grande utilisation de plus gros véhicules, en particulier des voitures de tourisme, favorisées par les prix du carburant historiquement bas en dépit des ajustements de prix récents, comme le montre la figure 4.

 

Figure 4 : Consommation d'énergie du transport routier par équivalent voiture inversement proportionnel au prix de l'essence9 (2016)

Energy Consumption of Road Transport Per Car Equivalent Inversely Proportionate to Gasoline Prices

Source: Enerdata - EnerDemand et Global Energy & CO2 Data

Dans la moitié des pays analysés, les voitures représentent la plus grande part de la consommation du transport routier ; dans les autres, il s'agit de camions et de véhicules légers. Les motos représentent 18% en Inde et environ 10% au Brésil, en Argentine, en Indonésie et en Thaïlande.

Figure 5 : Variation significative de la répartition du transport routier par type de véhicule entre les pays (2016)

Variance in Distribution of Road Transport by Vehicle Type

Source: Enerdata - EnerDemand

Les véhicules neufs aident à réduire la consommation annuelle par voiture

La consommation énergétique annuelle moyenne par voiture est en baisse dans tous les pays pour lesquels des données pourraient être estimées. Cette tendance est due à plusieurs facteurs : moins de distance parcourue, des véhicules plus efficaces et peut-être des voitures plus petites (comme c'est le cas en Europe).

Figure 6 : Amélioration de la consommation spécifique des véhicules, avec les baisses les plus importantes en Indonésie et au Mexique

Vehicles’ Specific Consumption Gradually Improving, with Most Significant Decreases in Indonesia and Mexico

Source: Enerdata - EnerDemand

Gains d'efficacité énergétique

La meilleure performance énergétique du parc de véhicules (évaluée par la consommation en litres/100 km) résulte de la diffusion de nouvelles voitures plus efficaces. La consommation spécifique de voitures neuves diminue rapidement depuis 2010 (à un taux supérieur à 2% par an).

En règle générale, cela est dû aux normes obligatoires (en Corée, au Mexique et en Chine, par exemple) et à l'impact tardif des normes dans les pays de l'OCDE ¬– car une part importante des véhicules immatriculés chaque année sont des voitures d'occasion importées de pays de l'OCDE.

Comme le montre la figure 7, la Corée du Sud, la Chine et l'Inde ont des objectifs de performance ambitieux allant de 4 à 5 litres/100 km.

Figure 7 : Consommation spécifique de voitures neuves - Trois pays ciblent un rendement énergétique inférieur à 5 litres/100 km

Specific Consumption of New Cars – Three Countries Target Fuel Efficiency Better Than 5 litres/100km

Source : Enerdata - EnerDemand sur la base de l'ICCT et de sources nationales

Note finale

Le découplage de la consommation énergétique des transports et de la croissance économique des pays émergents est clair, et la tendance est principalement politique : certains de ces pays ont mis en place des mesures d’efficacité énergétique - principalement des normes d’émission pour les nouveaux véhicules - tant pour limiter la croissance de la demande énergétique que pour contribuer à la réduction des émissions de GES. D'autres pays, principalement des pays producteurs de pétrole du Golfe, ont compris la nécessité de contrôler la croissance de leur demande de pétrole et ont mis en œuvre des politiques d'ajustement des prix qui commencent à se faire ressentir.

Ces tendances positives en matière d'efficacité vont probablement se poursuivre, de plus en plus de pays appliquant des normes et des labels en matière d'énergie ou d'émissions de CO2. La principale incertitude réside dans la capacité de ces pays à développer des modes de transport alternatifs aux voitures et aux camions.


Notes:

1Cette analyse couvre un échantillon de 16 pays, tous couverts par un nouveau service Enerdata appelé EnerDemand. Les pays analysés sont les suivants : Argentine, Brésil, Chine, Égypte, Inde, Indonésie, Iran, Malaisie, Mexique, Russie, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Corée du Sud, Thaïlande, Turquie, Émirats Arabes Unis.



2 La consommation finale exclut les utilisations non-énergétiques, ces dernières n’étant pas concernées par l'efficacité énergétique.



3 Environ 45% en Malaisie et au Mexique, et environ 40% en Arabie Saoudite et au Brésil (36% en Égypte en 2017). Ces chiffres excluent les utilisations non-énergétiques, comme expliqué ci-dessus.



4 La mobilité des passagers est la distance moyenne parcourue par personne et par année.



5 Le transport ferroviaire n'est pas dominant dans ces deux pays, mais est plus important que dans les autres.



6 Le transport ferroviaire est assez important en Russie, représentant 10% du nombre total de kilomètres parcourus/passager, ainsi qu'en Chine et en Inde, où ce chiffre atteint 5%.



7 Cet indicateur est calculé comme le rapport entre la consommation de transport routier et un stock fictif de véhicules routiers mesuré en nombre équivalent voitures : le stock réel de chaque type de véhicule est converti en équivalent voitures avec un coefficient reflétant la différence de consommation annuelle entre chaque type de véhicule et une voiture. Par exemple, si un bus consomme en moyenne 15 tep/an et une voiture 1 tep/an, un bus équivaut à 15 voitures. Les camions simples et les véhicules légers équivalent chacun à quatre voitures.



8 Les données pour ces pays sont basées sur des données officielles, mais surestiment probablement la consommation réelle de transport.



9 Consommation du transport routier par véhicule, avec le nombre de véhicules mesuré en équivalent voiture. Données 2016.

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